mercredi 8 février 2012

Dis papa, T'as déjà dormi dans la rue?



Oui.
Mais pas parce que je  n'avais pas de maison, ou d'endroit pour dormir. Parce que ça faisait parti de ma formation de.. heu.... Ma formation professionnelle. Voilà. Et c'était pas marrant. Faire la manche, se travestir en clochard puant et agressif...car voilà l'image que colporte le SDF, sans domicile fixe.

Dans nos mémoires de bon père de famille, un SDF c'est avant tout un clodo. Il boit du vin rouge à deux balles, fume du papier journal roulé, mange dans les poubelles les restes des restaurants, se trimballe avec son chien qui a un foulard rouge noué autour de son cou...Il chante quand il est bourré, parfois il le fait bien. Quand il ne le fait pas, c'est qu'il a froid, faim ou soif. Il vous interpelle en vous demandant un pièce, un ticket resto... et parfois vous engueule en vous soufflant son haleine fétide. Celui-là, il a en général tout perdu, par amour, par manque de chance, par la loi des chaises éjectables, des crédits et des créanciers. Et il ne se refait pas. Il dort sans le métro, sur les bouches d'aération, dans les gares, les aéroports, votre cage d'escalier. Ou dans des camps au bois de Vincennes, de Boulogne, sur la plage. Où il peut. Mais pas dans les centres d'hébergement, il veut rester LIBRE. Bourré mais digne.

Le SDF, c'est aussi la roumaine et son bébé qui tète son sein à la sortie de la boulangerie ou de la banque de France. Elle est là par terre, sur un carton, en guenilles, son mouflet qui a le nez qui coule, mélangeant sa morve au larmes et au lait. Elle tend sa main crasseuse et marmonne en francoroumain qu'elle a faim, ou qu'elle vous emmerde car celui qui comprend le franco roumain...Son maque, car elle a un maque, n'est pas loin. Il veille sur elle, une fois la journée de travail terminée à la sortie de la boulangerie, il récupérera le fric. L'enfant ira faire les poches des  gogos dans le métro, et elle, ira faire des pipes à la sortie de l'usine. Lui, ira au bistrot et se connectera sur internet pour acheter la dernière caravane à la mode, et commander une grosse berline à ses copains, pour pas cher. Un cliché.

Le SDF, c'est aussi le jeune paumé. Ses parents comprennent rien, ou trop. C'est un rebelle, enfin il le croit. Il ne veut pas d'un carcan sociétal, il veut être libre, kiff la vie, pas ta mère. Il s'habille trash, volontairement agressif, pas trop car après il peut prendre une rouste aussi. La paumée s’envoie en l'air facilement, par défi, ou pour payer la dope qu'elle s’envoie toute la journée. Pour oublier qu'il faut travailler pour vivre...Et travailler ca ne veut pas forcément dire être à l'usine. Le paumé le comprend plus tard, quand il est encore temps, pas trop défoncé et accro, quand le SIDA ou l'hépatite ne l'ont pas encore tué.

Mais le SDF, c'est aussi une mère de famille qui a perdu son appartement et ses enfants. Elle travaille pourtant, gagne un salaire, paie des impôts, rembourses des dettes. Trop pour pouvoir être logé, pas assez pour émouvoir. Alors, elle dort sans sa voiture, elle passe à la télé, et les voisins la remarquent enfin. Ca fait deux ans qu'elle dort en bas de chez eux dans la 205 grise...

C'est Mamadou, le black aux cheveux blancs. Il est ancien combattant, vit en France depuis 15 ans. Il travaille, n'a qu'une femme qui travaille aussi, 3 enfants. Ils gagnent à eux deux 2500 euros par mois. Il parle le français comme les jeunes français ne le font plus. Il est heureux et jovial. Enfin, on dirait. Mais ca fait 6 ans qu'il vit dans 10m², dans un de ces logements dits d'urgence, un scandale financier à 1200 € par mois, facturée à l’État.Il attend.

Car voilà le vrai scandale. 
200 000 SDF environ, deux fois plus qu'en 2000. 70 000 logements d'urgence sont manquants, 1 million d'euros par jour pour le seul règlement des hébergements d'urgence. Des chambres insalubres, des installations complétement hors normes sécuritaires, qui brulent parfois, et tuent. Quand ce n'est pas le froid, c'est le feu.

Alors, oui. Les SDF sont là. Ils nous gênent  parfois, nous perturbent, nous émeuvent. Mais ca, c'est encore bien. Là où ca le devient, c'est quand ils laissent indifférents, et qu'on ne les voit même plus.

Au Cambodge, ils ont de la chance, il fait chaud, et les touristes sont généreux. Surtout avec les jeunes enfants.

Ainsi va la Vie au Cambodge.

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Un lien pour les curieux.

C'est quoi le 115?

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