lundi 1 septembre 2014

Dis papa, t'as déjà fait une croisière?

Ma petite loulou, je vais te dire, jusqu'à hier, je n'en avais pas encore fait.

Mais ce n'est plus que de l'histoire ancienne car j'ai enfin découvert les joies du farniente marin, versus gorets du Nord.

Je vais donc te raconter cette balade ibérique qui restera graver dans ma mémoire, et celle de la chanteuse qui m'accompagnait, j'ai nommé SADE.

Après un mois de juillet d’août au boulot pour grande partie, il me reste quelques dizaines de jours de congés à écouler et n’ayant pas envie d'en faire cadeau à l'employeur, je décidais d'une seule voix d'eau de vérifier la magnifique offre que venait de me faire un site de voyages privés que j'utilise assez souvent : une croisière sur un énorme bateau avec un thème "saveurs et découvertes" qui m'allait bien! Vu le tarif en plus, il me semblait judicieux de me lancer dans la partie rapidement.

Quelques clics plus tard, ça y était, j'allais enfin devenir un parfait fin gourmet que 3 chefs étoilés et un œnologue à bord allaient éduquer.

SADE, rompue aux voyages de luxe, était aux anges, elle allait pouvoir se parer de ses plus beaux atouts, de la belle robe en soie en passant par des maillots de bain à faire frémir un âne castré.

Jour J - Non pas un débarquement mais l'embarquement à Calais, nouvelle capitale des romains de Roumanie, installés en campements cartonnés aux abords des via romana aquatique et ferroviaire, prêts à bondir dans le premier camion venu ou le le dernier conteneur  20 pieds en partance pour la Brittania. Arrivant de la capitale de Dédé la Saumure via le train le plus lent du monde, 2 heures pour 80 km, nous eûmes la joie de le voir se remplir de nos futurs camarades de jeux aquatiques tout au long de ce trajet champêtre. Premières inquiétudes...

Débarquement sur le quai de la garde de Calais, pas d'accueil, et nos groupes de petits croisiéristes à la dérive..."Vains Dieux, douqueché qui sont ché bus?" entendons nous, SADE et moi. C'est vrai, ils sont où les bus...Bon, prenons un taxi. Ah merde y en a pas...Étonnant pour un dimanche et une ville qui voit un bateau de croisière de 1400 personnes se remplir en quelques heures...Bref, on en attrape un, conduit par René le Pen, chef de la horde silencieuse des calaisiens en guerre contre les romains de Roumanie qui ne veulent plus partir. Bon courage René, va te falloir de la patience...

Un chapiteau de toile blanche nous attend au pied du majestueux navire de 12 étages, quelques hôtesses blondes et dodues recrutées à la hâte nous guident et nous voilà au milieu de la faune qui est encore un brin timide. Les cocos bel oeil commencent leur cinéma, les cocottes font la parade, les petits vieux s'impatientent car ça va être l'heure de la soupe, il est 15h00.

Notre groupe est appelé pour la montée des marches. SADE a faim, moi plein le cul, déjà. Mais ça sent bon le repos, la détente, le calme, la finesse. Tous ces gens affamés de savoir, et de frites grasses. C'est beau cette montée vers le luxe, derrière Mauricette et son gros cul moulé dans une robe aux fleurs défraîchies. Embrasse moi SADE, que j'immortalise ce moment inoubliable et inégalable dans ma vie misérable.

Les chambres ne sont pas encore prêtes, nos valises sont quelque part, et nous décidons de prendre possession, nous aussi des lieux, des ponts, des chaussées, des escaliers car les ascenseurs sont déjà squattés par le club des septuagénaires. Bonne impression, propre, pas trop vieillot, de quoi faire.
Une belle piscine et des ponts aérés nous font penser que la vie sera belle.

Ayé, la chambre est ready et nous entrons dans notre cabine spacieuse, avec vue sur la mer, un grand lit propice aux vocalises de SADE, j'aime.

Premier dîner. Je rappelle pour celles et ceux qui ne suivent pas qu'il s'agit d'une croisière placée sous le signe du raffiné. Nous nous mettons donc dans une tenue élégante, veste, robe, pompes assorties, cocotage, de la gueule. Nous entrons dans cette salle d'une centaine de tablées où une armée de serveurs œuvrent. Et nous commençons à prendre aussi la mesure de nos colocs...LA France est là, dans ce qui est de plus beauf, du bon chti heureux de vivre et qui fait le savoir, en passant par les proute proute d'une semaine sur le 31, mais le 31 du mois de janvier 1965, où des vieux beaux et vieilles belles gonflés aux hormones de poulet de batterie, à la peau tendue comme un string d'actrice porno. Et les gosses...La cour des miracles dans les arènes romaines. Mais, ce premier repas aura été le premier d'une longue série, qui ira vers l’apothéose, les agapes françaises.

Soulignons au passage la qualité des repas servis, fidele à ce que l'on attendait en de telles circonstances. Certes peu copieux mais suffisants, le manque de poids dans l'assiette fera basculer une bonne partie des bouffeurs vers les buffets où le ratio était plus favorable à la prise de poids rapide qu'à la qualité gustative...

Premiers miles en mer, et quand la mer monteeeeee elleeeeee monteeeeeuuuuuuu. Oui, la mer du Nord, de la Manche, l’Atlantique sera démontée de Calais à La Corogne soit 36 heures...et là, ca ne rigole plus. La cuvette des chiottes du voisin fait des claquettes, SADE a perdu son bronzage mais supporte le tangage, le roulis...

Premier réveil, et premier petit déjeuner de cette formule all included....Maman, Papa, la bonne et moi. Je n'avais encore jamais vu une telle boufferie, des assiettes de viennoiseries, des montagnes de jambon, de fromages, de fruits, de yaourts, d'omelettes, de patates, de la bouffe partout. Et des nuées d'affamés qui les vident par kilos, par plâtrées, par pelletées, par seaux...Les gorets, inch allah, sont lâchés, las de vomir leurs tripes, il faut refaire le plein de ces ventres énormes, des fesses bien grasses qui hantent le bateau. Une orgie de bouffe qui durera huit jours, sans que ça ne lasse ce peuple drogué aux calories.

Je passerai donc les autres petits déjeuners qui furent identiques, voire crescendo. Imaginez:
- 1200 passagers dont 700 prennent un petit déjeuner
- 7000 croissants pas un seul ne reste...

Et le programme à bord? Bah, ils ont fait ce qu'il pouvait pour amuser une bande de dégénérés bedonnants, qui pour la plupart n'avait jamais voyagé et qui du coup, se sont pris pour les saigneurs des anaux à bord.
La petite troupe , qui au passage mangeait aussi bien à la cantine, a sorti le registre danse latino, brésilienne, espagnole, mélangeant avec art la danse des ventres qui dansaient tout seul, à grands renforts de paillettes et de collants résille troués. Mais, il faut l'admettre, ils ont été à la hauteur du programme, enjoués et pros, musiciens  live inclus.

Reste les excursions où SADE et moi avons fui les hordes françaises suivant le guide et son petit drapeau, tous marqués de leur petite logo autocollant sur la poitrine. Reconnaissable en ville par leur grâce à évoluer en milieu urbain, pachydermes perdus dans les ruelles chaudes et fines de Cadix, rougeauds et patauds, criant et mitraillant à tout va le moindre détail qui n'arme pas le quotidien métropolitain. Ils sont beaux nos français, bons vivants, bien vivants. J'aime les voir chauvin, négociant le prix du verre de sangria, ou partageant en trois une brochette au restau de la place : " pas grave, ce soir, je pourrai m'empiffrer sur le bateau, en jetant des montagnes de détritus, et en écrasant mes prochains pour être le premier à pouvoir avaler mes 2 kilos de macarons faits maison....

Je ne pourrai finir sans parler de l'alcool, all included. Et là aussi, bien que n'ayant pas craché dessus moi-même, histoire de faire comprendre à mon foie malade qu'il va falloir vite redevenir un bon foie, un vrai, un dur, d' un beau rouge vif et punir cette tumeur. Et là aussi disais je, je me demande combien de milliers de litres de mojitos, de pina colada, de bière ou de rhum ont été servis. Hallucinant de voir des gens boire du matin 09h00 au soir jusque plus d'heure...Des poivrots hurlants, des pétasses qui racontent leur vie sexuelle misérable à grands coups de rires hystériques vautrées sur des canapés ayant du mal à supporter leur poids.
Nous ( une cinquantaine de fins palais) aurons appris cependant à reconnaître les parfums, les arômes, les goûts de nos vins. Dégustons, la vie est courte!

Jour J - le débarquement. No comment. La cohue, le désordre, le bordel, mais normal, après une telle aventure, il fallait finir en beauté. C'est fait. Adieu l'horizon, adieu.

Un conseil? Si l'aventure vous tente, payez le prix normal et évitez les prix cassés qui attirent une partie du monde que j'aimerais ne pas revoir rapidement.

Perdu, j'ai fait mes courses à Auchan cette après midi...

Ainsi va la vie en croisière all included à prix cassés...