lundi 30 janvier 2017

Dis papa, à quoi ça sert les souvenirs?

Ah ma petite fille, c’est bien que tu me poses cette question aujourd’hui.

Tu aurais aussi pu la poser hier, ou me la poser demain. Car les souvenirs, c’est un peu comme une maison de lego.

Tu commences une construction,  puis de jour en jour en jour, tu ajoutes des pièces, des murs, des toits. Tu bâtis une maison qui grandit, s’enrichit, devient parfois bizarre. Parfois, tu ne te rappelles plus pourquoi il y a une grande pièce vide. Et puis, tu t’interroges, tu cherches au fond de ta mémoire, et tu te rappelles pourquoi elle est là, cette pièce vide.

Les souvenirs, c’est qui te permet de te dire que tu grandis. C’est comme ça qu’on dit quand on a 8 ans. Quand on en 50, on dit qu’on vieillit. Quand on en a 80, on dit qu’on perd la boule. Mais les souvenirs souvent restent là, et il faut peu de choses pour qu’ils remontent à la surface, les bons, les mauvais.

On dit qu’on se souvient plus facilement des mauvais. Je ne sais pas, je ne me souviens plus des bons depuis quelques années déjà. Il y a du y en avoir, ça c’est sur. Mais souvent, les mauvais envahissent nos têtes, ils doivent aller manger les bons dans nos cervelles. Il doit y avoir des bagarres féroces pour que les cases de notre cerveau se remplissent avec le vécu, le présent, qui devient souvenir juste l’instant d’après l’avoir vécu. C’est dingue. J’écris mes pensées, elles sont déjà des souvenirs à la fin de la phrase.

Les souvenirs, c’est aussi ce qui nous tient en vie quand tout va mal. On se rappelle des bonnes choses, des rires, voire des pleurs de rire. Et on rit tout seul, dans notre tête qui d’un coup va mieux. On se souvient quand on était petit, enfant. On dit que plus on a de souvenirs d’enfance, plus on est intelligent. Et moi, je me souviens d’une pie dans mes cheveux, je n’étais pas bien vieux, 5 ou  6 ans. Chez tes arrières grands parents que tu n’as pas connus. Cette pie avait pris ma chevelure blonde éclatante, parce que je le vaux bien, pour de l’or surement. Et elle voulait m’arracher les cheveux la salope. Elle n’y est pas arrivée, ça a bien fait rire tout le monde à Meyzieu. D’autres y arriveront plus tard, à me dépouiller de mon or.

Je me souviens des méchouis, et des couscous de pâques où tout la famille pied noir se réunissait dans des banquets joyeux. Dans les douves du fort, où l’on trouvait des trésors, des Lacoste tout neufs volés par des brigands et qu’on récupérait "par hasard". Je me souviens des parties de belote ou de tarot, quand ça gueulait, ça trichait, en arabe, en espagnol, en français, l’anisette aidant. La ronda, les galettes, les montecaos. Le pépé qui voulait pas chauffer la maison et qui radotait. D’ailleurs, j’ai encore sa casquette à la maison le pépé…

Je me souviens d’Aubagne, du Jean Pierre qui nous envoyait acheter les pizzas avec les frangins, cousin et cousine. Je me souviens oui de tous ces moments qui ont fait que ces souvenirs sont bien là présents aujourd’hui, 50 ans plus tard.

Je me souviens de tatie Batman, venue me rendre visite en Nouvelle Calédonie pour des vacances de folie.  Ce séjour lui aura valu son surnom. Elle voulait manger de la roussette, de la chauve souris quoi. Elle n’a pas été déçue. Nous y sommes allés, et j’avais demandé au cuisinier de ne pas préparer la bestiole comme on le fait habituellement, c’est à dire en la rendant présentable sans ses ailes et sa tête de vampire. Là, non, sous le couvercle de la cocotte, elle était là, LA bestiole à manger. Et elle l’avait mangé la bougresse.

Et oui, tatie Batman, qui criait fort, qui ne voulait pas avoir tort, avec qui on s’engueulait quand on parlait de politique, ou de chichon. Que de souvenirs.

Les souvenirs, ça sert à ça ma petite fille, à se rappeler des rires, des joies, de ton enfance, de ta famille, de tes amoureux ( attention, hein, on demande l’autorisation à ton papa d’abord, mais t’as le temps encore). Les souvenirs…

Et bien aujourd’hui, une part de ces souvenirs est remontée à la surface, en même temps qu’un morceau de la famille disparaissait.

Alors, oui, ma fille, rappelle toi au plus loin que tu pourras de ces moments. Un jour tu en pleureras de joie, et tu te diras que la vie était belle.

Quant à toi, tapie Batman, j’espère que tu continueras de voler au dessus de nos têtes longtemps.

RIP.

mardi 3 janvier 2017

Dis papa, t'as mangé tout seul?

Ma petite poulette des neiges versaillaises....

Quelle question! Ben oui...

Et alors?

Je ne vais pas manger( petit dej, dej, diner) avec ton frère pour moitié ( la mienne). Il a décidé de vivre sa vie de surfer calédonien. Enfin, surfer un grand mot. Il vit sa life quoi, son vieux con de papa, et sa petite connasse de sister, c'est pas son problème. Lui, il veut continuer de grandir et attraper les 1,90m  ( avec une maman naine, ça va pas être gagné d'emblée), pécho les petites lycéennes ( mais non il est amoureux de Lou, ça ne s'invente pas hein ma loulou), et passer le BAC, bientôt. Enfin, quand ça sera le temps en Calédonie, car d'ici là, cette ile du pacifique sera peut être autonome, et elle aussi vivra sa life...sous perfusions françaises, quand le pognon du nickel par dans des pays étrangers, mais qu'est ce qu'on est con quand même. Donc pour ton frangin, on va faire comme si il était parti dans l'espace avec le savant beau gosse français, loin vers Mars, et un jour, il reviendra sur Terre. On sera peut être mort, merde...

Je ne vais pas manger avec toi aussi petite sorcière. Tu vis chez ta maman 80 % du temps... Et du coup, t'es pas là quand il faut que je nourrisse mes muscles. Que mes muscles...Car mon corps d’athlète quinqua velu nécessite de la délicatesse !

Il reste qui pour diner avec moi ce soir...

Alors on fait l'appel. Ma bouteille de bière: présente. Mes haricots verts surgelés : présents. Mon petit chapon aux marrons réchauffés avec mon nouveau micro onde: présent. Ma glace Haggen Daas : présente. Et? Ben moi.

Se retrouver seul n'est pas forcement mal. Ni bien.

C'est un état, voulu, souhaité, ou pas. C'est un fait, une réalité.

Manger ma ration de combat au fin fond du trou du cul du monde, seul avec mes pensées guerrières, est salutaire. Ça me permet de me retrouver, de faire le point, de penser à la journée écoulée, à la nuit qui arrive et au boulot de demain. Au calme et sans la tumulte des combats, du stress, de l’adrénaline. Au calme. Poulet ratatouille, barre de chocolat. Et hop, l'affaire est dans le sac.

Manger un bon repas tout seul au restaurant, c'est aussi parfois sympa. Un bon  de préférence. Avec serveuses pomponnées, maitre d’hôtel mielleux et carte sans les prix. Ben oui, se retrouver seul dans un tel établissement, quand toutes les autres tables sont remplies de couples, de groupes, c'est jubilatoire. Je regarde, je déguste, je juge, je jauge. C'est rigolo, pathétique, intéressant. Mais je ne m'ennuie pas.

Mais manger tout seul face au mur blanc de la cuisine...Ca donne pas envie, hein. C'est aussi la base du succès des régimes, on avale vite et bien ( Merci Brigitte Lahaie). Pas envie de causer avec le tableau blanc et les notes que j'y ai écrites. Pas envie de causer avec le chapon qui est mort depuis longtemps. Les haricots même verts, restent muets. Bref, je parle avec le silence, qui est d'or dit le dicton, qui est un con.

Et quoi de pire que le silence quand on déjeune...On s'entend mâcher, mâchouiller, ingérer, avaler, déglutir... Un petit rot poli et feutré, ou pas si la bière était bonne. On ne peut pas dire que c'est la voisine qui est bruyante...elle est moche et donc pas à ma table. Ben oui tant qu'à faire, autant inviter des miss monde, merde. Pas gagné quand même.

Il faut donc que je trouve une solution radicale. 
J'ai donc imaginé projeter une image sur le mur blanc de la cuisine, une vidéo d'une personne trouvée par hasard, sur le net, et qui me tiendra compagnie. Bof. 
Inviter un SDF ou un migrant. Pourquoi pas à la limite, mais dans le quartier ils sont capable d'appeler la Police et je verrai le RAID débarquer, ils connaissent déjà bien mon adresse.
Une belette de Meeti,  Jadopte ou Badoo? Ah pourquoi pas. Mais si je l'invite chez moi, elle pourrait tout de suite croire que je vais me remarier et partir en voyage de noce à Cuba tout de suite avec elle. Cuba c'est bien aussi tout seul, non? Ou pas tout de suite.

Une chérie? Oh oui. Ça c'est peut être la solution. Une belle femme, qui aime la vie, le vin, le foie gras, et les légumes. Je l'imagine un peu comme une chanteuse connue, à la chevelure tricotée, et dense. Et un beau sourire que des yeux enthousiastes illuminent. Du coup, y a plus rien à dire. Juste regarder, savourer, déguster, et ensuite digérer... Et on parle quand? Et bien entre les plats, on les commente, on raconte sa journée, ses emmerds, ses rires, les cons, les enfants. La vie quoi.

Va donc falloir faire quelque chose. Car je n'ai plus de rations de combat, les restaus hors de prix ca va un temps, les gosses pas là, c'est la galére...

J'ai donc pris une résolution en 2017, il parait aussi que ca se fait. Je vais récupérer une doudou. Qui m'aime comme je suis, qui ne me juge pas, qui me bonifie et qui sera heureuse d'avoir un ours mal léché à retaper.

Ainsi va la vie le 2 janvier 2017, dans le froid et le givre.